Le Christianisme s'est répandu au départ comme un feu de forêt; mais, même dans ces conditions on ne pourrait s'attendre à ce que tant de Saints apparaissent selon les dire de l'Apôtre Paul. Croyez-vous que les seuls saints sont ses saints décédés? Paul s'intéressait à des saints vivant ici-bas. Par exemple :
« Paul et Timothée, serviteurs du Christ Jésus, à tous les saints dans le Christ Jésus qui sont à Philippes, avec leurs épiscopes et leurs diacres. » (Phil.1-1) (voir également : Eph.1.1; Col.1-2; Ro.1-7; 1Cor.1-2; 2Cor.1-1).
Il apparaît clairement que les saints abondaient à l'époque de Saint Paul. Le terme semble être alors synonyme de "chrétien pratiquant", englobant l'entière assemblée de ceux qui croyaient que le Christ-Jésus venait de ressusciter et était le Fils de Dieu. Paul sollicitait souvent des dons pour les "pauvres saints" de Jérusalem. Qui étaient les donneurs? De moins pauvres saints du Nord et de l'Est du bassin méditerranéen. Aussi est-il normal de se demander où sont passés les "saints" maintenant. Peut-être sont-ils toujours avec nous et encore plus nombreux. Peut-être est-ce le terme lui-même qui est devenu trop particulier, trop élitiste.
Angelus Silesus dit clairement : « Tu ne peux pas vouloir gagner le Ciel sans être saint... Seuls les Saints entreront au Paradis ». Etre d'abord saint puis entrer au Paradis. Mais si tous doivent être sauvés, qui n'est pas appelé à la Sainteté? Si certains doivent être saints, les Apôtres du Christ sont bien qualifiés pour cela. Pourtant, quand les soldats romains se saisirent du Seigneur au jardin de Gethsemani, ils l'abandonnèrent.
Saint Pierre qui affirma ne pas connaître le Messie (Luc.22-54) avait auparavant été réprimandé par ces paroles : « Passe derrière moi, Satan! tu me fais obstacle, car tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes! » (Matt.16-2).
Il nous faut tout d'abord revoir notre stéréotype de la sainteté. Les Saints peuvent se tromper, rejeter Celui qui les sanctifie; les Saints peuvent douter. Les portes de la sainteté ne s'ouvrent-elles pas ainsi plus largement?. Le terme ne devient-il pas plus sympathique?. Le portrait populaire du Saint est celui de quelqu'un qui s'est pratiquement retiré de l'existence, qui est souvent vieux et respectable; peut-être même est-il diaphane et dégageant un arôme de sainteté.
Comment cette façon de voir est-elle compatible avec, par exemple, ce que nous savons de Saint Paul qui, en tant que Saül « ravageait l'Eglise; allant de maison en maison, il en arrachait hommes et femmes et les jetait en prison.»? (Actes8-3). Il avoue lui-même : « j'ai moi-même jeté en prison un grand nombre de saints, ayant reçu ce pouvoir des grands prêtres, et quand on les mettait à mort, j'apportais mon suffrage. » (Actes 26-10).
Christ-Jésus rejette aussi cette façon de voir la sainteté, en parlant de Jean-Baptiste :
« Qu'êtes-vous allés contempler au désert? Un roseau agité par le vent? » (Luc 7-24) Jean-Baptiste fouettait ses auditeurs par ses paroles; il était véhément et sans compromis.
Le monde profane n'est pas en position de juger qui est saint. C'est L'Esprit-Saint qui conduit le chrétien à la sainteté, Lui qui fut donné aux disciples à la Pentecôte. (Jean 20-22). Paul nous rappelle que « comme il est écrit : Il n'est pas de juste, pas un seul.. tous ont péché et sont privés de la gloire de Dieu .» (Rom. 3-10,23). Et pourtant, il y a beaucoup de saints parce que c'est le Christ qui sanctifie et Il sanctifie quiconque croit en Lui. « Si les prémices sont saintes, toute la pâte aussi; et si la racine est sainte, les branches aussi. » (Rom.11-26)
La sainteté est basée sur l'unité mentale. Alors que nous vaquons à nos multiples tâches, sous l'activité il y a un espace de silence et de prière où la flamme de la dévotion brûle en permanence. Là, réside la pureté du coeur; l'âme, dans son sanctuaire, n'est perturbée par aucune agitation extérieure.
Max Heindel nous dit que celui qui suit sincèrement les Enseignements Rosicruciens est sur le chemin de la sainteté où «au début nous pouvons nous permettre beaucoup de choses; mais, progressivement ces libertés doivent être supprimées les unes après les autres et nous devons nous consacrer de plus en plus exclusivement au service de la sainteté. » (Initiation Ancienne et Moderne). La véritable sainteté n'est pas basée sur la peur de l'enfer ou sur le désir d'atteindre le paradis mais sur l'amour pour Dieu et l'aspiration à faire Sa Volonté.
On raconte l'histoire d'un homme qui, sur son chemin, rencontre un ange qui tient un seau d'eau dans une main et une torche enflammée dans l'autre. L'homme lui ayant demandé ce qu'il comptait faire ainsi, l'ange répondit : « Je vais éteindre le feu de l'enfer et brûler les résidences du Paradis. Alors nous verrons qui vraiment aime Dieu. »
La sainteté résulte de la collaboration entre Dieu et ses fils et filles prodigues dont l'essence divine a été recouverte d'un vêtement de chair au cours de l'involution et qui reçoivent une puissante incitation à retourner vers leur Père Céleste.
Ce sont souvent les difficultés qui conduisent à la sainteté. Le chemin est parsemé de doutes et de tentations. Nous connaissons la peur, la solitude et l'orgueil et nous avons du mal à réaliser que toutes les luttes extérieures sont des diversions qui cachent l'unique véritable combat : celui que nous devons mener contre notre égoïsme. La sainteté désigne la lumière intérieure qui apparaît en celui dont l'âme se prépare à recevoir le Christ.
Pour atteindre cet état et s'y maintenir, la personnalité aura à vivre de multiples épreuves jusqu'à ce qu'elle s'abandonne à Celui « dont elle n'est pas digne de dénouer les sandales » (Matt.3-11). La sainteté est une affaire secrète entre Dieu et l'être intérieur; ce n'est pas une démonstration aux yeux du monde. Nos vies sont « cachées en Dieu, avec le Christ» (Col.3-3). Nous ne pouvons pas nous sanctifier nous-mêmes; nous sommes rendus saints. Nous ne décidons pas de devenir saints; nous sommes appelés à le devenir.
Le Christ dit : « Ce n'est pas vous qui m'avez choisi; mais c'est moi qui vous ai choisis » (Jean 15-16). « Et voici qu'elle est la volonté de Dieu : c'est votre sanctification » (1Thess.4-3).
L'appel à la sainteté est l'appel à devenir parfait. « Vous donc, soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait. » (Matt.5-48). Mais nous devons prendre garde de ne pas confondre cet appel à la perfection avec une perfectionnisme à tout prix qui risque d'être une forme d'égoïsme. Dieu élève les pauvres en esprit, ceux qui reconnaissent leur petitesse. Les plus grands progrès sont souvent accomplis par ceux qui laissent leur vie spirituelle se développer dans l'accomplissement de leurs tâches quotidiennes. Selon Maître Eckart (1260-1327), la perfection réside dans la capacité à supporter la pauvreté, le mépris, l'adversité et toute difficulté qui survient, avec calme, courage et sans un « pourquoi? ».
En vivant dans cette acceptation complète, les réponses à tous les « pourquoi » non formulés surgissent dans le coeur comme une manne. La sainteté amène la sagesse, non pas parce qu'elle a été directement recherchée mais parce qu'en vivant ainsi dans l'obéissance, l'amour et l'humilité, elle éclôt naturellement. Les scribes et les pharisiens manifestent la sainteté extérieurement, aussi leur récompense vient-elle du monde qu'ils cherchent à impressionner. Mais, pour entrer dans le Royaume des Cieux, agir ne suffit pas. Les bonnes actions ne sont pas toujours une preuve de bonté car elles peuvent être simulées. A la fin de la Période de la Terre, la dissimulation deviendra impossible. Alors ce que nous penserons en notre coeur sera connu de tous.
Bien que nous soyons appelés à la sainteté, nous sommes libres d'accepter ou de refuser cet appel. La sanctification est l'évolution consciente de notre vie, jour après jour, dans l'amour et la puissance transformante du Christ. Ce n'est pas l'idée que j'ai de ce que Dieu veut faire pour moi; c'est l'idée qu'a Dieu de ce qu'Il veut faire avec moi et pour moi.
Ne soyons pas choqués lorsque, comme Pierre, nous sommes réprimandés par Lui, car, c'est ainsi que nous évitons le péché et sommes sanctifiés. « Mon fils, ne méprise pas la correction du Seigneur, et ne te décourage pas quand il te reprend.» (Hebr.12-5). Une des principales vertus contribuant à la sanctification est l'obéissance. L'obéissance à quoi? A la Volonté du Père. Qu'avons-nous à faire?. Nous mettons chaque pensée en captivité, en obéissance au Christ (2Cor.10-5) jusqu'à ce que Dieu soit « tout en tous ».
L'obéissance consiste à faire toute chose comme le Seigneur le ferait. Il est dit que celui qui est lent à la colère est meilleur que le puissant et que celui qui contrôle son propre mental est plus fort que celui qui s'empare d'une ville.
Est-ce que la sanctification achève notre lutte contre le mal, contre la fausseté, contre la tentation?. Au contraire, la lutte s'intensifie. Sans le Christ, la sainteté serait très rare. Son sacrifice planétaire a rendu possible une vie plus pure, plus morale, plus spirituelle pour tous les êtres humains, qu'ils le reconnaissent ou non.
Consacrer sa vie à la sainteté, c'est abandonner ses prétentions, ses possessions car nous savons qu'un homme ne peut recevoir que ce qui lui vient du Ciel. Si le Christ affirme : « Je ne puis rien faire de moi-même.» (Jean 5-30), que peut faire un Saint de lui-même? Rien.
Il en est conscient et avec honnêteté, humilité et obéissance, il se soumet à la volonté de Celui par qui tout est possible. C'est cette vacuité même qui permet au Christ en lui d'obtenir la victoire. L'obéissance s'épanouit en amour. Ce qui, au début, est une acceptation des lois imposées de l'extérieur, devient ensuite une activité joyeuse venant d'une impulsion intérieure.
La véritable substance de la sainteté est ce que Max Heindel appelle « la lumineuse robe nuptiale d'or », le corps de l'âme. On ajoute à sa luminosité par une sérieuse rétrospection nocturne dont un des fruits est la purification de la nature-désir. Max Heindel écrit dans les Enseignements d'un Initié : « Sans une vie pure, il ne peut y avoir d'avancement spirituel. »
Dans le feu du remords sont brûlées toutes nos petitesses, notre vanité et nos tendances égoïstes. Notre souffrance sépare les scories de nos soucis terrestres de l'or du don et du pardon. L'énergie qui favorise le mieux la sainteté provient de la louange. Adorer Dieu met en harmonie chacun de nos véhicules avec l'Esprit Parfait de Dieu.
En conclusion, nous dirons qu'il est compréhensible que nous évitions d'employer le terme de sainteté à notre sujet, mais, que ce ne soit pas pour éviter l'effort de faire et d'être tout ce que ce terme implique.
Nous sommes fils et filles de Dieu et, bien que cela ne soit pas encore visible, nous savons que nous sommes appelés à être comme Lui, car nous avons été faits à Son image et à Sa ressemblance et nous devons recevoir Son Fils, le Christ en nous.